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J.QUINAUD, fusillé de Vingré

 

  • Voici ce que le soldat Jean Quinaud écrit à sa femme la veille de son exécution :

"Je t'écris mes dernières nouvelles. C'est fini pour moi. J'ai pas le courage. Il nous est arrivé une histoire dans la compagnie. Nous sommes passés 24 au conseil de guerre. Nous sommes 6 condamnés à mort. Moi, je suis dans les 6 et je ne suis pas plus coupable que les camarades, mais notre vie est sacrifiée pour les autres. Dernier adieu, chère petite femme. C'est fini pour moi. Dernière lettre de moi, décédé pour un motif dont je ne sais pas bien la raison. Les officiers ont tous les torts et c'est nous qui sommes condamnés à payer pour eux. Jamais j'aurais cru finir mes jours à Vingré et surtout d'être fusillés pour si peu de chose et n'être pas coupable. Ça ne s'est jamais vu, une affaire comme cela. Je suis enterré à Vingré ... ".

 

 

 

L'arrêt de la cour de cassation du 29 janvier 1921 a été publié au Journal Officiel du 18 février 1921.

« Attendu que le sous lieutenant Paulaud… peut-être considéré comme ayant été un des principaux témoins de l’accusation qu’au moment de la panique le chef de section, sous-lieutenant Paulaud, sorti de son abri voisin, leur avait donné l’ordre de se replier sur la tranchée de résistance ; que cet officier était parti lui-même précipitamment et l’un des premiers dans cette direction.

Attendu que le lieutenant Paupier, qui commandait la compagnie et se trouvait dans la tranchée de résistance a déclaré qu’en effet le sous-lieutenant Paulaud était arrivé l’un des premiers au moment de la panique de cette tranchée… Attendu qu’il importe de constater que le sous-lieutenant Paulaud lui-même a exprimé sa conviction de l’innocence des condamnés, quelques instants après leur exécution, et qu’il a affirmé à nouveau cette conviction à diverses reprises dans ces dernières dépositions.

Pour ces motifs :

CASSE et ANNULE le jugement du Conseil de Guerre spécial de la 53e division d’infanterie, en date du 3 décembre 1914, qui a confirmé le caporal Floch, les soldats Gay, Pettelet, Quinault, Blanchard et Durantet à la peine de mort.

Décharge leur mémoire de cette condamnation. »

 

Le 27 novembre 1914, après une préparation d'artillerie qui démolit une partie de leur tranchée, les soldats du 298e RI furent surpris par une attaque allemande qui fit plusieurs prisonniers.Une demi-section française dut alors se replier dans les boyaux. Le bombardement terminé, elle retourna dans la tranchée conquise par les Allemands et les en délogea, reprenant le contrôle de son emplacement. Mais à l'issue de cette escarmouche, une dizaine de soldats du 298e étaient restés prisonniers de l'ennemi. Les deux escouades (24 hommes) qui avaient momentanément abandonné leur tranchée furent alors prévenues d'abandon de poste en présence de l’ennemi. Lors de l'enquête sommaire, les soldats indiquèrent avoir reculé sur ordre du sous-lieutenant Paulaud, et s’être repliés dans une tranchée à l’arrière de la tranchée où l’attaque allemande s'était déroulée. Le sous-lieutenant Paulaud soutient ne pas avoir donné cet ordre de repli, au contraire il accable les 24 soldats. Le 3 décembre, le conseil de guerre spécial du 298e RI, à l'issue d'un tirage au sort désigne six d’entre eux qui sont fusillés pour l'exemple le 4 décembre 1914, suivant les directives données à ce conseil par le général Étienne de Villaret pour aider les combattants à retrouver le goût de l'obéissance.

L'exécution des 6 condamnés à mort a lieu à 7h30, à 200m à l'ouest du calvaire de Vingré, situé à l'embranchement des deux chemins allant à Nouvion. Assistent à la parade d'exécution les quatrième compagnie de réserve du 298e, deuxième compagnie du 216e et une compagnie du 238e. Les troupes sont commandées par le Lieutenant-Colonel Pinoteau. Les condamnés qui ont passé la nuit dans la prison du poste de police sont amenés à 7h30 par un piquet de 50 hommes et fusillés. Après l'exécution qui se passe sans incident, les troupes défilent devant les cadavres et rentrent dans leurs cantonnements.

 

Avec l’aide d’un avocat, le ministère, mis sous pression, finit par accepter la révision du procès. L’audience devant la Cour de Cassation eut lieu les 30 novembre et 1er décembre 1920 et le verdict fut rendu le 29 janvier 1921. Il cassait le jugement du 4 décembre 1914, et rétablissait les familles des fusillés dans leur plein droit y compris pour le paiement des arrérages de pension depuis 1914.